Pauline Bayle, c’est avant tout pour moi Écrire sa vie, mon coup de coeur Avignon 2023. En fait la seule pièce que j’avais vu d’elle. De fait, j’étais plein d’espoir mais aussi d’appréhension lorsque nous sommes allés voir Illusions perdues au théâtre de l’Atelier. Verdict ?
Après Virginia Woolf (en fait, avant, puisqu’Illusions perdues a été créé en 2020), c’est donc Balzac qui offre sa plume à Pauline Bayle. Dans ce roman de la Comédie humaine, que je ne vais pas prétendre avoir lu, Lucien Chardon, jeune homme ambitieux montant à Paris depuis Angoulême, tente de se faire un nom comme poète. Le titre le laisse entrevoir : tout ne va pas se passer comme prévu. La pièce met en scène les deux premières parties et laisse de côté la troisième et dernière, ce qui lui permet de ne durer « que » 2h30.
Plusieurs écueils s’offrent à ce type d’adaptation, du fait notamment de la densité du texte et de la langue, du nombre de personnages, de la diversité de lieux et de temps… Difficile de ne pas s’y perdre. Pauline réussit pourtant son pari, ce qui est un exploit d’autant plus grand qu’elle fait le choix d’une mise en scène minimaliste, avec une scénographie réduite au strict minimum (quelques chaises, un sol poussiéreux), et peu de comédiennes et de comédiens (cinq en tout ce soir-là, six la plupart du temps visiblement). Et pourtant, tout est clair ; le texte n’en ressort même que mieux, et les cent cinquante minutes passent très rapidement.
Le jeu est bon, un peu inégal mais j’ai beaucoup aimé les prestations de Zoé Fauconnet et Adrien Rouyard, la première quasi-mystique lors d’une mise en abyme dans laquelle elle campe une comédienne très « Comédie française », le second drôle et frais dans ses différents rôles. Le choix d’une femme (Anissa Feriel) pour jouer Lucien me semble moins convaincant, et n’apporte en définitive pas grand-chose.
L’autre parti pris radical de la pièce vient de l’espace quadrifrontal, avec des tribunes des quatre côtés de la scène. Cette mise en espace est compliquée dans un théâtre à l’italienne et n’est donc pas aussi efficace qu’elle pourrait l’être dans un autre lieu (le meilleur exemple récent étant peut-être l’Abolition des privilèges de Hugues Duchêne). Gageons que les scolaires qui ont rempli les tribunes ce soir-là en garderont néanmoins un souvenir mémorable !
Dans l’ensemble, la « patte » de Pauline Bayle est bien identifiable et toujours agréable, avec de très bons choix musicaux, et des passages dansés très esthétiques, presque tribaux. J’avais néanmoins été plus touché par ceux d’Écrire sa vie, plus poétique mais peut-être moins abordable (le fait de l’avoir vu dans le cloître des Carmes a sans doute beaucoup joué sur ma perception !).
Illusions perdues, à retrouver à Genève, Sablé-sur-Sarthe, Auxerre, Cusset et Dieppe d’ici à janvier 2025 (Paris, c’est fini pour l’instant !).?