Plusieurs heures de train, puis les formalités habituelles (passage par le cloître Saint-Louis pour tenter de récupérer des places pour le In, par le village du off pour récupérer le programme), installation dans un studio près des remparts… Il est temps de débuter notre semaine festivalière ! Et pour ce premier spectacle, nous avons choisi ce lieu rouvert par Tiago Rodrigues l’année passée que nous n’avions pas visité à notre grand regret : la carrière de Boulbon.

Comme prévu, l’endroit est magique. Après 20 minutes de navette puis 10 minutes de marche, nous voici arrivés au bar de la carrière, au milieu des cigales, en attendant le coucher du soleil. Nous avons été ponctuels à l’embarquement, et il nous faudra attendre deux heures (sans trop multiplier les pintes pour profiter du spectacle !), mais le cadre est magnifique et nous les passons à nous promener pour mieux l’apprécier. Autre jeu pour faire passer le temps : reconnaître les VIP (festival in oblige…). Nous croiserons ce soir-là Daphné Patakia (OVNI, Benedetta…), Christiane Taubira, Sophie Binet, Edouard Louis, Tiago Rodrigues himself. 

Vient le moment de s’installer dans les gradins. Nous découvrons la scène et son écrin minéral. La scénographie est plutôt simple, avec une grande statue cachée sous un drap, une table et quelques chaises. Comme si la carrière se suffisait à elle-même. Bientôt, les comédiens et comédiennes de la Comédie Française commencent à s’y installer, observent le public faire de même. 

Je dois confesser à ce stade que j’ai beaucoup de mal avec le jeu (et la direction d’acteur) d’une bonne partie de la Comédie Française, souvent grandiloquent et caricatural. Heureusement, dans Hécube, pas Hécube le directeur du festival met en scène certains et certaines de mes préférés : Éric Génovèse, Denis Podalydès, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Séphora Pondi, et Gaël Kamilindi et Élissa Alloula que je connaissais moins. Par ailleurs ayant pu voir le travail de Tiago dans Catarina et la beauté de tuer des fascistes, je savais que les risques de retomber dans les travers du Français étaient limités.

Et effectivement, au cours des deux heures que durent la pièce, nous assistons à du très grand Elsa Lepoivre notamment, bouleversante, à un Denis Podalydès égal à lui-même (donc très bon, même ailleurs que dans un Molière), et même à un Loïc Corbery à contre-emploi qui révèle un grand potentiel comique ! 

Il y a beaucoup de texte bien sûr dans Hécube, pas Hécube (une caractéristique « rodriguessienne »), mais il n’est pas pesant, et les répétitions de la mise en abyme s’entremêlent au drame individuel que vit le personne d’Elsa Lepoivre de manière fluide. J’ai d’ailleurs trouvé intéressant le fait de monter une pièce autour d’Hécube (sujet très très compatible « Avignon In ») dans laquelle la mythologie grecque est moins le centre du sujet que la manière dont le théâtre s’en empare.

Mon seul regret sera peut-être la scénographie, que j’ai trouvée sous-utilisée (notamment la sculpture monumentale), et le fait que Tiago Rodrigues n’ait pas joué du tout avec la carrière. Pourtant ce lieu est un choix artistique fort, et pourrait devenir un personnage à part entière. Ce n’est pas du tout le cas, et la pièce aurait tout aussi bien pu être jouée dans un autre lieu sans que nous y voyions une différence. 

En conclusion, une pièce du In dans un lieu iconique, mise en scène par le directeur du Festival, avec la Comédie Française : comment mieux démarrer une semaine en Avignon ?